Pour une révolution anthropologique
Pour une révolution anthropologique : la liberté, pas le libre arbitre !
Vous, les prosternés, les « idolâtres », humanité ancillaire[1], de quel destin nous parlez-vous, avec vos dieux grandiloquents[2], vos prophètes invincibles qu’une simple caricatures, pourtant, peut blesser ? Un destin de cloporte soumis, piétaille[3] rampante, claquant des dents en entrant dans vos temples, petits dans la trépidation[4] de la vie et cependant davantage rapetissé par la crainte d’airain[5] dont vous êtes les victimes, de la part de vos dieux réputés d’amour. Un destin funeste[6], fatalement funeste. Un destin qui vous échappe, inexorable, alors même, suprême hypocrisie, que vos ministres de l’inculte s’agenouillent devant le saint libre arbitre. Un destin où l’enfant meurt, d’une douleur absolue, à son échelle, et pourtant infime eu égard à la puissance créatrice de vos dieux. Un destin où règnent la peur, l’encasernement de l’esprit, lui qui cherche la liberté et que les prélats[7] réduisent au silence, dans leurs psaumes, dans leurs prières, dans leurs oraisons, dans leurs prêches, dans leurs commandements [...] Destin de la masse humaine ravagée par la dévotion, humiliée par son sort servile, et néanmoins consentante... au nom de dieu, de vos dieux, pour la plus grande gloire de dieu, de vos dieux. Alors oui, face à cette fatale omniprésence de la foi, il faut se rebeller, il faut oser l’athéisme, il faut blasphémer, refuser de se soumettre à la requête faussement benoîte[8], ou l’injonction – c’est selon – des ecclésiastiques réclamant que leur foi fasse l’objet d’un respect indiscutable. Le propre de l’homme tendanciellement libre, c’est de refuser la parole divine.
Marc Silberstein
Apologie du blasphème, Jean-Paul Gouteux, in préface, pp. 19-20, 2006, éd. Syllepse.
[1] Ancillaire : (adjectif) Qui a rapport à la domesticité
[2] Grandiloquent : (adjectif) Pompeux
[3] Piétaille : (n.f) L’infanterie¤ Ceux qui vont à pieds¤ Les sans-grade
[4] Trépidation : (n.f) Tremblement, agitation.
[5] D’airain : [sens figuré] Dur, insensible, implacable
[6] Funeste : (adjectif) Qui porte malheur¤ nuisible¤ Affligeant
[7] Prélat : (n.m) Haut dignitaire ecclésiastique
[8] Benoît, e : (adjectif) Qui affecte la dévotion, la douceur